Monsieur Giger, responsable des risques chez Zurich Assurance, analyse les événements météorologiques extrêmes de 2023, tels que les incendies et inondations. Bien qu’il note une certaine normalité dans les pertes d’assurance, il souligne l’impact croissant du changement climatique. La construction dans des zones vulnérables et la gestion des risques sont des préoccupations majeures. Il appelle à une innovation proactive pour faire face aux défis climatiques, plutôt que d’attendre l’épuisement des ressources fossiles.
Les Impacts des Événements Météorologiques Extrêmes en 2023
Monsieur Giger, en tant que responsable du département des risques chez Zurich Assurance, pouvez-vous nous éclairer sur l’ampleur des catastrophes météorologiques de cette année, incluant les incendies de forêt, les coulées de boue, les inondations et les ouragans ?
Du point de vue de l’assurance, cette année a été plutôt standard. Bien qu’il y ait eu quelques événements extrêmes, ils restent dans la fourchette attendue, même en tenant compte des impacts du changement climatique.
La Réalité du Changement Climatique et ses Conséquences
Le discours autour du « nouveau normal » lié au changement climatique semble donc inapproprié, n’est-ce pas ?
Effectivement, ce terme peut prêter à confusion. Les gens ont tendance à juger une situation sur la base d’expériences récentes et à la qualifier de normale. La météo a un impact variable d’une année à l’autre, bien qu’il existe une tendance climatique identifiable. Cela modifie la probabilité d’événements météorologiques, mais ces changements se produisent sur des périodes suffisamment longues pour que nous ayons du mal à les percevoir. Par exemple, la fréquence des gelées au bord des lacs a considérablement diminué par rapport à ce qu’elle était il y a quelques décennies.
Cette année, la Suisse, le nord de l’Italie et l’Autriche ont souffert de coulées de boue et d’inondations. Quelles répercussions cela a-t-il pour votre secteur ?
En général, un climat plus chaud engendre des pluies plus intenses, et nous avons constaté des événements climatiques violents dans les Alpes cette année. Cependant, notre présence internationale nous permet de compenser les pertes. Bien que des ouragans aient frappé la Floride, les zones les plus vulnérables n’ont pas été touchées. En fin de compte, l’augmentation des dommages n’est pas tant due au changement climatique qu’à la construction dans des zones à risque, comme les côtes.
Malgré tout, les événements climatiques extrêmes semblent ne pas susciter beaucoup d’inquiétude parmi la population. Les dirigeants du G20, dans un récent sondage, ont principalement évoqué des préoccupations économiques telles que l’inflation et la pénurie de main-d’œuvre qualifiée.
En effet, les préoccupations des gens sont souvent influencées par l’actualité. Par exemple, pendant la pandémie, le risque était omniprésent, mais aujourd’hui, il semble que l’inquiétude ait disparu. Lorsque l’on interroge les gens sur les risques à venir, la météo et le climat refont surface. Cependant, le comportement face aux risques reste trop centré sur le court terme, ce qui entrave la construction d’une résilience adéquate.
Comment votre compagnie d’assurance aborde-t-elle cette problématique ?
Nous disposons de modèles de risque avancés, intégrés à des modèles climatiques, qui profitent davantage à nos clients qu’à nous. En tant qu’assureur, nous avons la possibilité d’ajuster les primes chaque année ou de résilier des contrats, ce qui nous permet de nous adapter à l’évolution des risques. Nous veillons également à sensibiliser nos clients à leurs risques et à les aider à mieux les gérer.
Avez-vous des exemples concrets de cette gestion des risques ?
Un exemple pourrait être une toiture d’installation industrielle sujette aux incendies. La question se pose alors de savoir s’il faut remplacer la structure ou prendre le risque d’une perte totale. De même, en cas d’inondation, des investissements dans des dispositifs de protection, comme des portes étanches, peuvent réduire significativement les dommages.
Que s’est-il passé en Valais cet été ?
Le gouvernement avait prévu des fonds pour construire un barrage sur le Rhône, mais le projet n’a pas été réalisé. Les entreprises d’aluminium locales ont subi de lourdes pertes en raison des inondations, ce qui a eu des répercussions importantes sur leurs opérations.
En ce qui concerne la Floride, la construction dans des zones à risque pose également problème, n’est-ce pas ?
En Suisse, nous avons un système de pool pour les dommages naturels où chaque assuré paie une prime standard, indépendamment de l’emplacement de leur maison. Cela peut entraîner des incitations inappropriées, comme la construction en zone inondable, suivie de surprises lors des inondations. En Floride, par exemple, les maisons en bois sur la plage ne sont souvent pas couvertes par l’assurance privée.
Malgré cela, l’État intervient souvent pour soutenir les victimes des inondations.
Effectivement, car aucun politicien ne peut se permettre de dire : « Tant pis ! » lors d’une catastrophe. Cela pénalise ceux qui ont souscrit une assurance coûteuse, alors que la couverture est souvent insuffisante après un désastre.
Que voulez-vous dire par là ?
Souvent, l’assurance ne couvre les dommages qu’à des coûts standards. Cependant, après une catastrophe majeure, les coûts de reconstruction peuvent être bien plus élevés en raison de l’absence d’infrastructure. De plus, même si votre maison est protégée, si tout le voisinage est dévasté, la valeur de votre propriété s’effondre. Après la tempête en Floride, une image marquante montrait une seule maison intacte au milieu de la destruction. Qui souhaiterait encore y vivre ?
Les individus et les entreprises peuvent essayer de s’adapter, mais leurs capacités sont limitées. Quelle est votre opinion sur l’état actuel de la politique climatique ?
Ce qui m’inquiète, c’est que notre économie finira par être sans CO2, simplement parce que les ressources fossiles s’épuiseront un jour. La vraie question est : voulons-nous favoriser l’innovation technologique dès maintenant ou attendre que les réserves soient épuisées ? Cette décision déterminera si nous contribuons ou non au réchauffement de la planète. Avec une vision politique à long terme, il serait judicieux de ne pas attendre et de prendre des mesures maintenant.