La renaissance de l’arme pétrolière et l’impact climatique marginal de l’Europe

La renaissance de l'arme pétrolière et l'impact climatique marginal de l'Europe

Les spéculations sur l’engagement de Trump envers une utilisation stratégique du pétrole émergent, suite à une augmentation inattendue de la production pétrolière sous Biden. Malgrè son image écologiste, Biden a approuvé des projets de forage controversés. Trump, quant à lui, envisage de maintenir les prix bas pour stimuler l’économie, tout en influençant l’OPEP. Cette stratégie impacte également l’Iran et soulève des questions sur les objectifs climatiques, alors que la consommation mondiale de combustibles fossiles continue d’augmenter.

Guerre commerciale ? Inflation ? Récession ? Troisième guerre mondiale ? Les spéculations émergent une fois de plus, rappelant les débats qui ont suivi la première élection de Donald Trump. Bien que beaucoup de ces préoccupations disparaîtront rapidement, une prévision mérite une attention particulière : l’engagement de Trump à poursuivre l’utilisation stratégique du pétrole, une initiative déjà amorcée par le président Biden.

Un tournant pétrolier sous Biden

Il est surprenant de constater que, malgré l’image de président écolo que l’on attribue à Biden, il a en réalité intensifié la production pétrolière américaine. Pendant son mandat, la production a atteint des niveaux records, tout en contredisant sa promesse de campagne de limiter les forages. En mars 2023, il a approuvé un projet de forage pétrolier de grande envergure en Alaska, un geste qui a suscité des objections des groupes environnementaux, mais qui a été validé par les tribunaux en novembre 2023.

Stratégies géopolitiques et prix du pétrole

Trump, fervent défenseur de l’industrie pétrolière, s’engage à soutenir ces projets et à augmenter la production dans les années à venir pour faire pression sur les prix du pétrole. Comme en 2018, il pourrait également influencer l’Arabie Saoudite afin d’éviter que l’OPEP ne réduise sa production, un facteur clé pour maintenir les coûts au plus bas. Actuellement, le prix du baril tourne autour de 70 dollars, tandis que pendant le premier mandat de Trump, il était en moyenne de 60 dollars, atteignant même un creux de 45 dollars durant la crise du COVID-19.

Les raisons de cette stratégie sont multiples. Un prix du pétrole plus bas peut aider à maîtriser l’inflation, améliorer le pouvoir d’achat et relancer l’économie. De plus, il s’agit d’une manœuvre géopolitique qui s’inspire d’événements historiques. Lorsque l’Union soviétique a envahi l’Afghanistan en 1979, les prix du pétrole étaient élevés en raison de la révolution iranienne, contribuant à sa chute économique une décennie plus tard, lorsque les prix ont chuté de manière drastique.

Actuellement, l’attention se porte sur la Russie. Les efforts de Biden pour faire baisser les prix ont déjà montré des résultats concrets, avec une diminution significative des revenus d’exportation de pétrole russe. Les tensions au sein des BRICS – Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud – mettent en lumière que les intérêts économiques peuvent souvent primer sur la solidarité entre ces nations, ce dont Washington tire profit.

Les répercussions sur l’Iran et les enjeux climatiques

Un autre objectif de cette stratégie est l’Iran, où une baisse des prix du pétrole a entraîné des troubles sociaux majeurs. En novembre 2019, des manifestations massives ont éclaté après que le régime des mollahs a décidé de rationner l’essence en raison d’une chute des revenus pétroliers. Cela a conduit à des émeutes où des milliers de personnes ont exprimé leur mécontentement face à la répression violente du régime.

Il est essentiel de noter que l’utilisation du pétrole comme arme par les États-Unis a également des conséquences sur les objectifs environnementaux globaux. La baisse des prix incite à une consommation accrue de combustibles fossiles, et il serait réducteur de blâmer uniquement les dirigeants comme Biden ou Trump pour l’échec des politiques climatiques. La consommation mondiale d’énergies fossiles continue d’augmenter, avec une forte contribution de la Chine, qui émet plus de CO2 par habitant que n’importe quel pays européen. L’Inde, avec une part notable des émissions mondiales, s’inscrit également dans cette tendance. Ainsi, les solutions aux problèmes climatiques doivent être recherchées à Pékin et à New Delhi, plutôt qu’à Washington ou dans les capitales européennes.

Tobias Straumann est professeur d’histoire économique à l’Université de Zurich.