Le feu est examiné à travers des perspectives chimiques et biologiques, révélant son rôle vital dans l’évolution humaine et son interaction avec les écosystèmes. L’article propose de considérer le feu comme un être vivant, soulignant la nécessité d’une gestion écologique des paysages plutôt que d’une approche dominatrice. En intégrant le feu dans notre infrastructure écologique, il devient un partenaire plutôt qu’un simple outil, permettant une coexistence bénéfique. Une meilleure compréhension de sa nature est essentielle pour restaurer une relation harmonieuse avec cet élément.
Comprendre le feu : Une perspective chimique et biologique
Qu’est-ce que le feu ? Que signifie réellement les flammes et la fumée qui embrasent actuellement Los Angeles ?
Depuis l’époque des Lumières, le feu est souvent perçu comme une réaction chimique influencée par son environnement physique. Cette vision physique du feu a conduit à des innovations comme les torches et les forges, et lorsqu’il est intégré dans des machines, il a permis la combustion des combustibles fossiles. En conséquence, nous avons appris à définir les paysages à travers le prisme des matériaux combustibles, en cherchant à contrôler l’influence physique du feu sur notre environnement avec des mesures telles que l’eau, des retardants et divers équipements. Cela a permis à l’humanité d’exercer une influence considérable sur la Terre, mais cela ne nous a pas nécessairement appris à cohabiter avec le feu.
Le feu comme un élément vivant
Une autre approche consiste à envisager le feu sous l’angle de la biologie. La vie elle-même fournit l’oxygène et les combustibles essentiels au feu. En réalité, la chimie du feu est essentiellement une biochimie : le feu décompose ce que la photosynthèse a constitué. Pour les humains, le feu est même ancré dans notre génome : la cuisson des aliments a favorisé notre évolution, nous dotant de cerveaux plus gros et d’intestins plus petits. Depuis 420 millions d’années, le feu et les paysages vivants ont évolué ensemble. Dans le cadre de l’activité humaine, la vie est la source majeure d’ignitions.
Peut-on considérer le feu comme un être vivant ? Il naît, respire, absorbe, se déplace, se reproduit, produit des déchets et finit par mourir. De nombreuses cultures traditionnelles le perçoivent souvent comme un être vivant. Les approches scientifiques, quant à elles, sont plus prudentes : cela dépend de la façon dont l’on définit la vie. Personnellement, je préfère comparer le feu à un virus, qui n’est pas vivant à proprement parler mais qui dépend de l’existence de la vie pour se propager, acquérant ainsi de nombreuses caractéristiques des organismes vivants.
Comme de nombreux nouveaux virus, le feu s’enflamme dans des environnements où les écosystèmes fragilisés ne peuvent plus fournir les barrières nécessaires à son contrôle. Il se propage par contagion, et des mesures de prévention efficaces pourraient s’inspirer des réponses de santé publique face aux épidémies, telles que les quarantaines, les vaccins et d’autres interventions d’urgence. Protéger nos maisons des braises, créer des zones dégagées autour des habitations, et inciter les quartiers à adopter des mesures de prévention — tout cela ressemble à porter des masques, à pratiquer la distanciation sociale et à viser l’immunité collective.
En abordant le feu comme un phénomène biologique, nous devons penser à la gestion des paysages à travers l’ingénierie écologique, plutôt que de simplement déplacer des blocs d’hydrocarbures. Construire des barrières anti-feu avec des castors au lieu de bulldozers, ou utiliser des chèvres plutôt que des tronçonneuses. Cultiver des champs et des vergers au lieu de s’en remettre à des coupes à blanc dans des sols minéraux ou à des chaparrals dévastés. Utiliser le feu non pas comme un destructeur, mais comme un élément transformateur qui peut s’intégrer harmonieusement dans le paysage, un processus qui peut favoriser la biodiversité au lieu de la détruire.
En considérant le feu comme une entité biologique, il devient moins un outil que nous pouvons façonner et manipuler à notre guise, et davantage un partenaire avec lequel nous partageons des avantages et des responsabilités — le feu, non pas comme une simple source de lumière, mais comme un fidèle compagnon, tel un chien de berger. Cela évoque une relation avec le feu, aussi ancienne que l’humanité, une amitié qui flirte avec la symbiose, mais qui peut devenir sauvage si elle est maltraitée. Cela ouvre la possibilité non seulement de coexister avec le feu, mais de l’envisager comme une composante essentielle de la vie.
La transition vers l’utilisation des combustibles fossiles a radicalement transformé notre approche physique du feu. Elle a réduit les conséquences écologiques du feu à une simple force. Les anciennes limitations ont disparu : le feu peut désormais brûler sans relâche, sans distinction de saison ou d’humidité. Les émissions générées n’ont nulle part où aller, polluant l’air, les océans et la terre, et contribuant à la formation de mégafeux. Cela représente une version géologique d’une catastrophe en cours : cette biomasse provient d’un autre temps et n’a pas sa place dans notre monde actuel. Ce feu, issu de l’industrialisation, a rompu le lien mutualiste qui, depuis toujours, a uni l’humanité et le feu pour le bénéfice des deux. Nous sommes ainsi en train d’écrire une histoire de destruction à petit feu.
Lorsque je fais face à un incendie qui grandit et menace, ou si je dois concevoir un habitat pour résister à des vagues de chaleur ou à des braises volantes, je me tourne vers un modèle physique. Mais si je souhaite gérer les paysages comme une partie intégrante de notre infrastructure écologique ou restaurer une relation altérée qui a transformé notre meilleur allié en un adversaire redoutable, je privilégie une approche biologique. Malheureusement, un tel modèle basé sur ses propres principes reste à développer.
Nous avons une compréhension suffisante de la manière dont le feu peut ravager des zones comme Pacific Palisades, mais nous manquons encore d’un modèle adéquat pour réparer la relation dégradée qui a engendré de tels incendies. Si nous voulons apprendre à vivre avec le feu, acquérir une meilleure compréhension de sa nature et de son interaction avec la vie serait un excellent point de départ.
Stephen A. Pyne est professeur émérite à l’Université d’État de l’Arizona et auteur de The Pyrocene: How We Created an Age of Fire, and What Happens Next.