Une comédie musicale captivante, *Swept Away*, fait ses débuts à Broadway, s’inspirant de l’album *Mignonette* des Avett Brothers. Située sur un baleinier en détresse, l’intrigue suit un homme mourant qui raconte l’histoire de son passé, avec des tensions entre deux frères. La mise en scène immersive et les performances remarquables, notamment celle d’Adrian Blake Enscoe, révèlent la lutte pour la survie au milieu des tempêtes, tant physiques qu’émotionnelles.
Une Nouvelle Époque Musicale à Broadway
Éblouissant et troublant, Swept Away, qui fait ses débuts ce soir à Broadway, est une comédie musicale folk envoûtante qui met en avant les superbes mélodies du groupe roots-rock The Avett Brothers, tout en présentant un casting remarquable dirigé par John Gallagher Jr. et Stark Sands.
Inspiré de l’album emblématique de 2004 des Avett Brothers, Mignonette, Swept Away se démarque davantage en tant que réinvention qu’en tant que simple juke-box musical. Alors que Mignonette relatait l’histoire vraie d’un yacht anglais naufragé au large du Cap de Bonne-Espérance dans les années 1880, cette nouvelle version, avec un livret captivant signé par John Logan et une mise en scène précise de Michael Mayer, déplace l’action sur la côte de New Bedford, Massachusetts. Le yacht devient maintenant un baleinier à l’agonie, reflet des derniers jours de cette industrie.
Une Intrigue Évocatrice et Enveloppante
L’intrigue, semblable à une ballade folk, se met en place rapidement : dès que le public entre dans le théâtre, il découvre un homme allongé sur un lit, peut-être un cadavre ou une marionnette. Au moment où les lumières s’éteignent, nous réalisons qu’il est en train de rendre son dernier souffle dans un hôpital pour tuberculeux au début des années 1900.
Dans les instants qui suivent, trois hommes apparaissent, leur éclairage verdâtre laissant présager qu’ils viennent d’un autre monde. Ils implorent l’homme mourant de raconter leur histoire et de se libérer de ses regrets.
Au fur et à mesure que l’histoire recule jusqu’en 1888, nous sommes transportés à bord d’un navire superbement conçu (scénographie par Rachel Hauck), où les mâts, cordages et bois semblent presque vivants. Gallagher incarne le Mate, dont l’absence de nom confère à la comédie musicale une dimension universelle. Il salue joyeusement un groupe de vieux marins-baleiniers en partance pour l’inconnu. Parmi eux se trouve le Petit Frère (Adrian Blake Enscoe, révélation de Swept Away), qui chante son désir de quitter sa famille et son amour pour vivre une vie qu’il ne reverra jamais.
Le Grand Frère (Sands) s’engage à ramener son jeune frère à la ferme. Les tensions entre les frères s’intensifient à mesure que le navire prend le large, les transformant en véritables marins.
La première partie de cette comédie musicale de 90 minutes, sans entracte, illustre à merveille la camaraderie et le dur labeur de la vie baleinière, avec des chansons roots-rock et alt-folk telles que « Ain’t No Man », « Go To Sleep », et « Hard Worker », accompagnées de chorégraphies dynamiques de David Neumann. Elle établit également les traits des personnages principaux, mettant en lumière l’optimisme du Petit Frère, la foi du Grand Frère (à travers « Lord Lay Your Hand On My Shoulder ») et les regrets d’un Capitaine (Wayne Duvall) confronté à l’extinction de son navire et de son mode de vie.
Le Mate demeure une énigme, affichant une joie apparente qui contraste avec l’homme mourant que nous avons aperçu dans le prologue. Quelles sont donc ses véritables luttes ?
L’histoire prend un tournant dramatique lorsqu’une tempête s’abat sur le navire, avec des effets sonores saisissants de tonnerre (bravo à John Shivers pour le design sonore) et des éclairs (merci à Kevin Adams pour l’éclairage). Grâce à une mise en scène astucieuse de Hauck, le plancher du navire s’incline, rappelant le Titanic, et ce sera le décor pour le reste du spectacle, mettant en avant un canot de sauvetage où se retrouvent les quatre personnages principaux, dont les vêtements semblent se déchirer tout autant que leurs esprits (costumes conçus par Susan Hilferty).
Nous plongeons alors dans une lutte pour la survie, où la soif, la faim et l’exposition deviennent de plus en plus accablantes. Le Petit Frère subit les pires conséquences de la tempête, son corps meurtri par un mât tombé. Bien que le public puisse pressentir la direction que prendra l’histoire, Swept Away réserve plusieurs surprises, y compris des révélations sur le passé d’un personnage et son cheminement vers la rédemption.
Les performances, tant au niveau du jeu d’acteur que du chant, sont remarquables. Gallagher, en collaboration avec le directeur Mayer après sa victoire aux Tony Awards pour Spring Awakening, incarne une présence stabilisante, ses émotions évoluant en fonction des événements. Sands, excellent dans & Juliet et To Kill A Mockingbird, représente l’intégrité morale de l’histoire sans jamais paraître condescendant, tandis que Duvall dépeint la tragédie d’un homme dont l’expérience n’a pas préparé à affronter ce que le destin lui réserve.
Cependant, c’est Enscoe, dans le rôle du Petit Frère, qui s’impose comme la véritable révélation de Swept Away. Pour ses débuts à Broadway, Enscoe, membre du groupe folk indie Bandits on the Run, réussit à transmettre la puissance de l’espoir juvénile, menant à des destinations inattendues, tant positives que négatives. Son talent vocal impressionnant se manifeste dans des duos poignants avec Sands (« Murder In The City ») et Gallagher.