Blocs de béton pour la préservation de la faune : des barrages anti-chars facilitent la migration des espèces menacées.

Blocs de béton pour la préservation de la faune : des barrages anti-chars facilitent la migration des espèces menacées.

À Frick, dans le canton d’Argovie, des vestiges de constructions militaires de la Seconde Guerre mondiale, tels que des blocs de béton anti-char, sont réutilisés par l’organisation Pro Natura pour créer des corridors écologiques. Ces structures, initialement conçues pour contrer l’ennemi, favorisent désormais la biodiversité en offrant refuge à diverses espèces animales, dont certaines menacées. Pro Natura transforme ces barrières en zones propices à la faune, intégrant des améliorations pour faciliter la migration et l’habitat des animaux.

De loin, la haie pourrait passer inaperçue, se fondant dans le paysage de prairies et de champs qui s’étend sur plusieurs centaines de mètres. Ce n’est qu’en s’approchant que l’on découvre les vestiges de constructions humaines : des tas de pierres et des pics en béton, tels des Toblerones, qui émergent du sol.

Nous sommes à Frick, dans le canton d’Argovie, près de la frontière allemande. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’armée suisse a érigé ici, comme dans de nombreuses régions du pays, des blocs de béton pour empêcher les chars ennemis d’avancer. À la suite de la guerre froide, ces structures militaires ont perdu leur utilité et environ 300 d’entre elles ont été mises en vente par l’armée.

Cette situation a conduit l’organisation de protection de la nature Pro Natura à relever un défi particulier : l’achat d’une douzaine de ces barrières, notamment à Frick, Gruyère, dans le Jura bâlois et le Vaud, afin de les transformer en zones écologiques où la faune pourrait se déplacer librement.

Une connexion entre les forêts

À Frick, les blocs de béton s’étendent à l’est en direction d’une colline, séparant un petit bois d’un champ de blé et d’une prairie d’un côté, et une pâture de l’autre. Près des derniers pics de Toblerone, un tracteur transporte une remorque vide vers la ferme.

L’intérêt des barrières anti-tank réside dans leur disposition : elles ne suivent pas les vallées comme de nombreuses autres structures, mais se dressent perpendiculairement, conçues pour contrer un ennemi avançant dans la vallée. Souvent, ces installations ont été construites pour relier des zones boisées, intégrant habilement des éléments naturels et artificiels.

Aujourd’hui, ces forêts offrent refuge à une multitude d’espèces animales, dont certaines sont menacées. Pro Natura souhaite que ces zones écologiques soient des corridors de migration, transformant ainsi des barrières en véritables connexions écologiques.

Les haies qui se forment autour des points de blocage offrent un abri primordial pour les animaux. Certaines espèces préfèrent se déplacer à couvert, tandis que d’autres y trouvent un habitat permanent. Les petits mammifères comme l’hermine et la musaraigne à nez de porc, ainsi que divers reptiles et amphibiens, apprécient ces espaces entre les arbres et les buissons à Frick.

Des obstacles variés

«La Suisse a été prise au dépourvu avec le début de la Seconde Guerre mondiale», explique David Külling, responsable de la protection de la nature et des monuments pour les biens immobiliers de l’armée. À l’inverse de la France et de l’Allemagne, où des barrières anti-tank étaient déjà en place, la Suisse a dû construire rapidement ces structures, la plupart étant érigées au début de la guerre.

Sans directives précises, les troupes ont créé une variété de barrières : des rails de chemin de fer, des blocs de roche naturels, des fossés et des murs. Souvent, des bunkers étaient associés à ces barrières, permettant aux soldats d’opérer contre les chars ralentis.

La diversité des installations a nécessité des innovations de la part de Pro Natura. Chaque site offrait des opportunités uniques d’amélioration. Au lieu d’éliminer les éléments en béton, l’organisation a par exemple créé des tas de pierres pour abriter des belettes à Läufelfingen ou a comblé un fossé à Gruyère pour faciliter le passage des petits animaux. À Cudrefin, un bunker a été transformé en quartier d’hiver pour les chauves-souris grâce à des installations en bois.

Pro Natura tient également compte des espèces animales qui pourraient bénéficier de ces améliorations. «L’Argovie est un canton riche en amphibiens», indique Andrea Haslinger, en observant le fourré entre les blocs de béton. Des bassins d’eau, essentiels pour certaines espèces comme la rainette à ventre jaune, sont présents ici. Cette espèce, classée comme «vulnérable», voit sa population décliner en Suisse, et elle privilégie les petits étangs qui se réchauffent rapidement.

En déplaçant des ronces, Haslinger découvre deux récipients en plastique remplis d’eau, où les rainettes pondent leurs œufs au printemps.

Éliminer les espèces introduites

En plus des bassins et des tas de pierres, les…