Écouter nos propres voix : un choix qui nous fait manquer des informations essentielles

Écouter nos propres voix : un choix qui nous fait manquer des informations essentielles

L’écoute est une compétence essentielle souvent négligée, pourtant cruciale dans le milieu professionnel pour comprendre les besoins des clients et favoriser la collaboration. Les distractions et la tendance à parler de soi-même compliquent cette écoute active. Des techniques, comme poser des questions ouvertes, peuvent enrichir les échanges. De plus, tolérer le silence dans une conversation témoigne d’une assurance. Écouter avec attention permet également d’obtenir des informations stratégiques et de mieux négocier, rendant cette compétence précieuse.

Nous pratiquons tous l’écoute chaque jour, mais rares sont ceux qui la maîtrisent véritablement. Pourtant, écouter est essentiel dans notre vie professionnelle : cela nous permet de comprendre les désirs des clients, les besoins des employés et les stratégies de nos collègues. Une écoute attentive favorise la confiance et facilite la collaboration, car lorsque l’un partage ses idées, l’autre montre son intérêt par une écoute active, incitant ainsi le locuteur à approfondir sa pensée. En somme, écouter est une véritable richesse.

Les défis de l’écoute active

Alors pourquoi ne pas améliorer notre capacité à écouter ? L’écoute attentive est parfois rare, car de nombreuses distractions nous guettent : notifications de smartphone, passages rapides de personnes, ou même des pensées sur des tâches ménagères à réaliser. Pendant ce temps, le locuteur continue de parler, tandis que nous faisons semblant de l’écouter en hochant la tête.

Notre cerveau rend l’écoute difficile pour deux raisons principales. Premièrement, nous avons souvent tendance à vouloir parler de nous-mêmes. Des recherches ont montré que notre cerveau éprouve une satisfaction particulière lorsque nous partageons nos propres expériences. Cette gratification est si forte que certains sont prêts à abandonner de l’argent juste pour parler d’eux. De ce fait, beaucoup n’écoutent qu’à moitié, impatients de reprendre la parole pour raconter leurs propres histoires, sans réaliser qu’ils passent à côté de nouvelles informations.

Deuxièmement, notre esprit fonctionne à une vitesse bien supérieure à celle de notre parole. Alors que la vitesse de la parole est d’environ 125 mots par minute, notre cerveau peut traiter plusieurs centaines de mots à la fois. Écouter devient donc un exercice laborieux pour le cerveau, qui reçoit les mots à un rythme perçu comme trop lent.

Cependant, nous pouvons tirer parti de cette différence de vitesse entre pensée et parole. Ralph Nichols, pionnier de la recherche sur l’écoute, explique qu’un bon auditeur engage quatre types d’activités mentales : anticiper le déroulement de la conversation, évaluer la solidité des arguments de l’orateur, résumer mentalement ce qu’il a déjà entendu, et écouter les non-dits. Ces pratiques aident à réduire les distractions.

Le pouvoir du silence dans la conversation

L’écoute nécessite non seulement de l’énergie mentale, mais aussi une bonne dose de curiosité. Celui qui pose des questions intéressantes peut élargir ses connaissances et son horizon. « Chaque personne a quelque chose d’intéressant à dire, à condition de poser les bonnes questions », affirme la journaliste scientifique Kate Murphy. Si une personne nous semble ennuyeuse, cela peut souvent être le reflet de notre propre attitude. Les questions curieuses proviennent d’une volonté d’apprendre, semblable à la méthode socratique, où l’on pose des interrogations ouvertes pour susciter la réflexion.

Cependant, tout le monde n’est pas un Socrate en puissance. Existe-t-il des groupes de personnes qui sont par nature de bons auditeurs ? Peut-être les personnes intelligentes ou les introvertis ? En réalité, les individus intelligents peuvent parfois moins bien écouter car ils réfléchissent trop et pensent savoir ce que l’orateur veut dire. De leur côté, les introvertis, bien que souvent perçus comme de meilleurs auditeurs en raison de leur calme, peuvent être tellement préoccupés par leurs propres pensées qu’ils ont du mal à intégrer de nouvelles informations.

Les auditeurs efficaces sont capables de tolérer les pauses et le silence, même lorsque la conversation semble stagner. Ces moments peuvent être inconfortables, car nous souhaitons maintenir la dynamique de l’échange, mais ils représentent également des éléments précieux d’un dialogue. Beaucoup cherchent à combler rapidement le vide avec des anecdotes ou des questions, empêchant ainsi l’émergence d’idées significatives. À l’inverse, celui qui accepte le silence démontre une assurance dans la relation.

L’écoute : un atout stratégique

Écouter ne se limite pas à améliorer les relations ; cela offre également un avantage stratégique. Celui qui comprend les perspectives des autres peut négocier plus habilement au travail, utilisant les objections comme fondement de ses arguments. De plus, les bons auditeurs sont capables de saisir les nuances derrière des remarques apparemment innocentes, découvrant ainsi ce qui préoccupe réellement un client ou les risques perçus par un employé. Une vraie richesse d’informations.

Écouter, bien que quotidien, représente un défi majeur. Même avec ces conseils, il est normal de ne pas réussir à écouter attentivement à chaque interaction. Parfois, notre capacité mentale est limitée ou l’échange ne vaut pas l’investissement. Dans ces cas-là, il peut être plus judicieux de se concentrer sur soi-même et de dire simplement « au revoir » à son interlocuteur.

Nicole Kopp, psychologue du travail et des organisations, est cofondatrice de la société de conseil GoBeyond.