La France teste le marché unique de l’UE avec sa propre taxation du tabac


Il y a plus de deux ans, la France est devenue le premier pays de l’UE à imposer des droits d’accise plus élevés (6,61 €) que la moyenne de l’UE (3,34 €) sur le tabac, dans le but de réduire les taux de tabagisme.

Alors que l’augmentation de la fiscalité a effectivement entraîné une baisse significative des taux de tabagisme, le commerce illicite du tabac et les achats transfrontaliers ont augmenté.

Selon un rapport financé par l’industrie du tabac, en 2021, le commerce illicite en France représentait 29 % de la consommation totale (15,1 milliards de cigarettes).

L’UE, la Banque mondiale et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ont plaidé en faveur d’une hausse des taxes pour réduire les taux de tabagisme.

La France n’a pas coordonné

Selon le dernier Eurobaromètre, dans la plupart des pays de l’UE, une taxation plus élevée s’est avérée efficace car les taux de tabagisme ont diminué.

Mais dans certains pays, comme la France, une fiscalité plus élevée a également entraîné une augmentation des achats transfrontaliers.

Pour contrer cela, l’OMS a exhorté les gouvernements à coordonner la fiscalité avec les pays voisins et à limiter les achats dans d’autres pays.

Pourtant, un diplomate de l’UE a déclaré à EURACTIV que « le gouvernement français ne s’est pas coordonné avec les pays voisins avant d’introduire des taxes plus élevées ».

La Commission européenne examine actuellement la possibilité d’augmenter encore la taxe d’accise sur le tabac, des rumeurs à Bruxelles suggérant que Paris pourrait être à l’origine de cette poussée.

« La France a mal agi à l’époque et depuis, elle veut que d’autres partenaires de l’UE fassent la même erreur parce que le gouvernement ne peut pas prendre du recul et admettre son échec », a déclaré à EURACTIV une source proche du dossier.

La source de l’industrie a fait référence à une déclaration faite par le législateur français Olivier Dussopt – aujourd’hui ministre du Travail dans le nouveau gouvernement français – en juillet 2020 à l’Assemblée nationale, alors qu’il soutenait la mesure relative aux droits d’accise.

« Nous sommes conscients du caractère très offensif de notre proposition par rapport à la position européenne, mais nous y voyons un moyen de faire vivre le débat sur l’harmonisation de la fiscalité », avait alors déclaré Dussopt.

« Si un pays comme le nôtre, où les flux frontaliers alimentent un trafic important, n’adopte pas une position offensive sur les quantités de tabac autorisées par la directive, le débat d’harmonisation n’avancera pas », a-t-il ajouté.

Dussopt a insisté sur le fait que l’objectif essentiel de la proposition était d’aider la santé publique, de soutenir [local] buralistes et contribuer à l’amélioration des recettes publiques.

Mais les achats transfrontaliers ont causé des maux de tête au gouvernement français alors que les citoyens se rendaient dans des pays voisins tels que l’Allemagne et le Luxembourg pour acheter des cigarettes.

Pour faire face à ce phénomène, le gouvernement a alors imposé des restrictions et décidé de n’autoriser qu’une seule cartouche de cigarettes (200 cigarettes) par personne en provenance d’autres pays.

La directive actuelle de l’UE stipule que jusqu’à 800 cigarettes peuvent être transportées lors de voyages entre les pays de l’UE et les États membres ne peuvent imposer un seuil inférieur à celui-ci.

En juillet 2020, l’ancien député européen néerlandais Derk Jan Eppink a soumis une question à la Commission européenne, demandant si l’exécutif prévoyait de prendre des mesures contre la décision de la France, qui viole le droit du marché unique de l’UE.

La Commission a répondu en août 2020 :

« Cette législation, qui vient d’être adoptée, est actuellement en cours d’examen. À la suite de cet examen, la Commission décidera des mesures à prendre, notamment de la nécessité d’engager une procédure d’infraction sur la base de l’article 258 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Cependant, il semble qu’aucune mesure n’ait été prise depuis, bien qu’une source européenne ait déclaré à EURACTIV que la Commission avait examiné les dispositions françaises et pris contact avec les autorités à Paris.

« Les échanges avec cet État membre sont toujours en cours », a ajouté la source.

EURACTIV.fr a demandé au ministère français de l’Economie si une approche coordonnée avec d’autres Etats membres aurait été plus appropriée.

Le ministère a répondu dans un courriel que la France est régulièrement en contact avec la Commission européenne sur les questions relatives à la taxation des produits du tabac au sein de l’Union européenne.

« La révision de la directive de 2011 sur la structure et les taux des accises applicables aux produits du tabac manufacturés a été initiée par la Commission européenne fin 2020 », a précisé le ministère.

« L’objectif de la révision est de parvenir à une plus grande convergence fiscale sur le tabac au sein de l’UE. Nous espérons que cette révision sera achevée rapidement, afin d’atteindre les objectifs de lutte antitabac de l’UE fixés pour 2021, à savoir réduire la part de la population consommant du tabac à moins de 5 % d’ici 2040 », a conclu le ministère.

*Theo Bourgery d’EURACTIV France a contribué à cet article

[Edited by Zoran Radosavljevic]





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