Le pilier « social » de la PAC démarre dans un contexte d’inquiétudes concernant les sanctions


À partir de 2023, certains États membres commenceront – pour la première fois – à lier les subventions agricoles de l’UE aux normes sociales et du travail, les autres devant suivre en 2025. Cependant, l’absence d’un système de sanctions harmonisé soulève des sourcils.

Alors que la période financière 2023-2027 de la politique agricole commune (PAC) commence, elle apporte avec elle de nouveaux critères liant les subventions au respect des normes sociales et du travail minimales, afin d’inciter les conditions de travail dans les exploitations.

Concrètement, lorsqu’un agriculteur ne respecte pas une ou plusieurs exigences de cette législation européenne, les autorités nationales peuvent décider de réduire – ou de supprimer dans les cas les plus graves – les subventions de la PAC.

Cette soi-disant « conditionnalité sociale » est actuellement volontaire mais sera obligatoire pour tous les pays de l’UE à partir de 2025. Trois pays – la France, l’Italie et l’Autriche – ont volontairement choisi d’introduire la mesure à partir de 2023.

Cependant, le niveau des sanctions imposées est décidé au niveau national et jugé « très faible » et « inacceptable » par certaines parties prenantes, qui demandent à la Commission européenne de parvenir à un système de sanctions coordonné et harmonisé à travers l’Europe.

«La conditionnalité sociale peut aider à relever les normes du travail dans l’un des secteurs les plus précaires de l’économie. Proposer des niveaux de sanction ridicules peut sérieusement compromettre son grand potentiel », selon la Fédération européenne des syndicats de l’alimentation, de l’agriculture et du tourisme (EFFAT).

Pour l’EFFAT, le pilier social de la PAC peut être un « véritable changeur de jeu », mais il « manque actuellement de pragmatisme » et d’une « harmonisation plus large » entre les pays de l’UE.

L’accord sur la PAC jette les bases d’un troisième pilier « social »

L’accord sur la réforme de la politique agricole commune (PAC) post-2020 conclu en juin a introduit un nouveau concept de dimension sociale qui a le potentiel de construire un troisième «pilier» pour le programme de subventions agricoles de l’UE dans un avenir proche.

Interrogé à ce sujet par EURACTIV, un responsable de l’UE a souligné que « la conditionnalité sociale ne vise pas à modifier la législation sociale européenne existante, y compris la manière dont elle est mise en œuvre par les États membres dans l’esprit des responsabilités partagées ».

« Par construction, cela peut conduire à une certaine hétérogénéité du traitement des agriculteurs à travers l’UE […]qui se reflétera également dans la mise en œuvre de la conditionnalité sociale », a ajouté le responsable.

Néanmoins, la Commission examinera l’impact de la conditionnalité sociale sur les conditions des travailleurs avec un rapport public en 2027.

Appel à la convergence sociale

Avec plus de 10 millions de personnes employées dans l’agriculture européenne, principalement en tant que travailleurs saisonniers, journaliers ou dans d’autres situations précaires, jusqu’à 61,2 % des travailleurs agricoles de l’UE occupent un emploi informel.

Malgré cela, la conditionnalité sociale s’est révélée être une question épineuse lors des dernières négociations sur la PAC entre les pays de l’UE et le Parlement européen. Et ça continue.

Un nouveau plan pousse les négociateurs de la PAC vers un accord sur les conditions sociales

Le Parlement européen a présenté une nouvelle proposition visant à lier les paiements de la politique agricole commune (PAC) aux conditions sociales de travail d’une « manière simple et non bureaucratique » dans le but de parvenir à un compromis sur ce qui est devenu un point controversé de la PAC négociations.

L’eurodéputé libéral Jérémy Decerle a déclaré que, bien qu’il s’agisse d’une avancée majeure pour le respect des droits sociaux, « ce type de modèle de conditionnalité n’a de sens que dans la mesure où il n’ouvre pas la porte à davantage de distorsions entre les États membres ».

Une application « inégale » et « inégale » des sanctions n’aura de sens que « si la convergence sociale cesse d’être une priorité de l’UE », a-t-il ajouté.

Par exemple, l’application des sanctions et la fréquence des inspections sont des compétences nationales.

Pour l’eurodéputé socialiste Paolo De Castro – qui faisait partie des partisans de la conditionnalité sociale – l’harmonisation européenne « doit être un processus incrémental ».

« Au cours du trilogue, nous avons réalisé qu’en raison des conditions différentes dans les différents États membres, ce n’était pas réalisable », a-t-il poursuivi, « c’est donc le meilleur résultat que nous puissions obtenir ».

De Castro espère que « dans l’éventuelle révision de la PAC actuelle, nous parviendrons à introduire ces points ».

Flexibilité pour les coureurs de tête

Les pays de l’UE devront créer leur propre cadre national sur la manière de mettre en œuvre la conditionnalité sociale – sanctions, contrôles et niveaux de diligence.

Dans le cas de la France, l’un des premiers, les règles de sanction des manquements seront prochainement transposées en droit national.

Mais « certaines des ambitions initialement envisagées se sont heurtées à des difficultés de mise en œuvre », a déclaré Joseph Lechner, président du Groupement patronal des organisations professionnelles agricoles de l’UE (GEOPA-COPA) et membre de la commission emploi de la Fédération nationale des syndicats d’agriculteurs (FNSEA).

« Par exemple, la conditionnalité sociale en France sera mise en œuvre avec un décalage dans le temps entre le contrôle et la réduction des aides (par exemple un contrôle en 2024 pourrait conduire à une réduction des aides PAC versées en 2025 ou 2026) », a expliqué Lechner.

Par ailleurs, il a souligné que la FNSEA a alerté les autorités françaises que certaines sanctions sont « disproportionnées » et s’ajouteraient aux amendes déjà prévues par le Code du travail français.

Lechner a rappelé que la mise en œuvre volontaire par des pays comme la France nécessitera « du soutien, de la flexibilité et de la pédagogie » et que « les pouvoirs publics devront veiller à ce que les nouveaux contrôles n’entraînent pas une augmentation de la charge administrative pour les agriculteurs ».

Pour lui, davantage de dialogue, d’évaluation et d’améliorations main dans la main avec les partenaires sociaux sont encore nécessaires pour « aller vers une plus grande harmonisation et une application équitable du mécanisme dans toute l’UE ».

[Edited by Gerardo Fortuna/Nathalie Weatherald]





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