L’espion marocain au coeur de l’enquête au Qatar


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Exprimé par l’intelligence artificielle.

PARIS — Un agent des services secrets marocains, identifié comme Mohamed Belahrech, est apparu comme l’un des principaux acteurs du scandale de corruption au Qatar qui a ébranlé les fondations du Parlement européen. Son nom de code est M118, et il fait le tour des agences d’espionnage européennes depuis des années.

Belahrech semble au centre d’un réseau complexe qui s’étend du Qatar et du Maroc à l’Italie, la Pologne et la Belgique. Il est soupçonné d’avoir participé à d’intenses efforts de lobbying et à des allégations de corruption visant des députés européens ces dernières années. Et il s’avère qu’il est connu des services de renseignement européens depuis un certain temps.

Rabat est de plus en plus sous les projecteurs, alors que l’attention s’élargit au-delà du rôle du Qatar dans les allégations de corruption des députés européens, qui ont vu la police belge saisir du matériel et plus de 1,5 million d’euros en espèces lors de perquisitions dans au moins 20 maisons et bureaux.

Le ministre belge de la Justice, Vincent Van Quickenborne, a fourni la semaine dernière une indication à peine voilée que le Maroc était impliqué dans l’enquête. S’adressant aux législateurs belges, il a fait référence à « un pays qui, ces dernières années, a déjà été mentionné… en matière d’ingérence ». Il est entendu qu’il s’agit du Maroc, puisque le service de sécurité de Rabat a été accusé d’espionnage en Belgique, où il existe une importante diaspora de Marocains.

Selon le quotidien italien La Repubblica et le quotidien belge Le Soir, Belahrech est l’un des maillons reliant l’ancien député européen Pier Antonio Panzeri aux services secrets marocains, la DGED. L’homme politique italien Panzeri est actuellement en prison, faisant face à des accusations préliminaires de corruption dans l’enquête visant à déterminer si le Maroc et le Qatar ont acheté de l’influence au Parlement européen.

Dans une cache de câbles diplomatiques marocains divulgués par un pirate informatique en 2014 et 2015 (et vus par POLITICO), Panzeri est décrit comme « un ami proche » du Maroc, « un allié influent » qui est « capable de lutter contre l’activisme croissant de nos ennemis au Parlement européen.

Les enquêteurs examinent maintenant à quel point un ami Panzeri était proche du Maroc. La demande belge d’extradition de l’épouse et de la fille de Panzeri, qui seraient également impliquées dans le scandale de corruption, mentionne des « cadeaux » d’Abderrahim Atmoun, l’ambassadeur du Maroc à Varsovie.

Pendant plusieurs années, Panzeri a partagé la présidence de la commission parlementaire mixte UE-Maroc avec Atmoun, un diplomate chevronné soucieux de promouvoir les intérêts du Maroc dans la bulle bruxelloise.

Mais on soupçonne maintenant qu’Atmoun recevait des ordres de Belahrech, qui est « un homme dangereux », a déclaré au Soir un responsable au courant de l’enquête. C’est sous la direction de Belahrech que Panzeri aurait scellé son association avec la DGED marocaine après avoir échoué à se faire réélire au Parlement en 2019.

Belharech pourrait également être la clé pour percer l’un des mystères persistants du scandale du Qatar : la piste de l’argent. Une demande d’extradition belge vue par POLITICO fait référence à un personnage énigmatique lié à une carte de crédit donnée aux proches de Panzeri – qui est connu comme « le géant ». La spéculation tourbillonne quant à savoir si Belahrech pourrait être ce géant.

Les nombreuses vies d’un espion marocain

Belahrech n’est pas un débutant dans les cercles d’espionnage européens – les médias font remonter sa présence à plusieurs affaires d’espionnage au cours de la dernière décennie.

L’homme de Rabat a d’abord attiré l’attention des autorités à propos de prétendues infiltrations de mosquées espagnoles, qui ont abouti en 2013 à l’expulsion du directeur marocain d’une organisation islamique en Catalogne, selon le quotidien espagnol El Confidencial.

Belahrech aurait été chargé de diriger des agents dans les mosquées à la demande de la DGED, tandis que sa femme était soupçonnée de blanchiment d’argent via une agence de voyages basée en Espagne. Le réseau a été démantelé en 2015, selon El Mundo.

Peu de temps après, Belahrech est réapparu en France, où il a joué un rôle de premier plan dans une affaire de corruption à l’aéroport d’Orly à Paris.

Un agent marocain, identifié à l’époque sous le nom de Mohamed B., aurait obtenu jusqu’à 200 dossiers confidentiels sur des suspects de terrorisme en France auprès d’un officier des frontières français, selon une enquête publiée dans Libération.

L’officier, qui a été arrêté et mis en examen en 2017, aurait fourni des informations confidentielles concernant des personnes figurant sur des listes de surveillance terroristes – et d’éventuelles personnes d’intérêt transitant par l’aéroport – à l’agent marocain en échange de vacances quatre étoiles au Maroc.

Les autorités françaises n’auraient pas porté plainte contre Belahrech, qui a disparu lorsque son réseau a été démantelé. Selon un responsable français au courant de l’enquête, Belahrech coopérait avec la France à l’époque en fournissant des renseignements sur les questions de contre-terrorisme, et a été relâché pour cette raison.

Les agents des services secrets marocains peuvent agir en tant que fournisseurs de renseignements pour les agences européennes tout en coordonnant simultanément les opérations d’influence dans ces mêmes pays, ont déclaré à POLITICO deux personnes familières avec la coordination des services de renseignement. Pour cette raison, les pays européens ferment parfois les yeux sur des pratiques qui pourraient être qualifiées d’ingérence, ont-ils ajouté, tant que cela reste discret.

Contactés, les services de renseignement de France, d’Espagne et du Maroc n’ont pas immédiatement répondu à une demande de commentaire.

Quant à Belahrech : Cinq ans après son incursion en France, le mystérieux M118 est de retour sous les projecteurs, ce qui soulève des questions sur sa relation continue avec les réseaux de renseignement européens.

Hannah Roberts a contribué au reportage.





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