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jeC’est le plus grand scandale médical du 21ème siècle. Pendant des décennies, on a dit aux patients atteints d’EM/SFC (encéphalomyélite myalgique/syndrome de fatigue chronique) qu’ils pouvaient s’améliorer en changeant leurs attitudes. Cette maladie dévastatrice, qui touche environ 250 000 personnes au Royaume-Uni, a été psychologisée par de nombreux médecins et scientifiques, ajoutant ainsi au fardeau d’une terrible maladie physiologique.
Longtemps après que cette approche ait été démystifiée dans la littérature scientifique, les cliniciens qui la défendaient ont refusé de lâcher prise. Ils continuent d’influencer les systèmes de santé, les gouvernements et les assureurs maladie. Et les patients en souffrent encore.
L’EM/SFC sape l’énergie et les fonctions physiques et cognitives de base des personnes atteintes, les confinant à leur domicile ou même dans leur lit, mettant souvent un terme à leur vie professionnelle, sociale et familiale. L’extrême gravité de cette pathologie, et le fait qu’il n’existe ni test diagnostique ni traitement validé, imposent un devoir de rigueur particulier aux médecins et aux chercheurs. Mais les soins aux patients ont été compromis et la recherche utile inhibée par la conviction persistante de nombreux praticiens que l’EM/SFC est « psychosociale » : motivée par les croyances et le comportement des patients.
C’est une histoire qui m’a trouvé. En 2021, après avoir écrit sur le long Covid, j’ai été accusé par le psychiatre Prof Michael Sharpe de le propager. Apparemment, on pourrait provoquer de telles maladies en en discutant. En enquêtant plus avant, j’ai été étonné par l’incapacité de sa présentation à étayer ses affirmations par des preuves, et perturbé par son manque de réponses satisfaisantes à mes questions. Sharpe adopte une approche similaire « biopsychosociale » de l’EM/SFC, une approche qui, au moment de sa longue présentation sur Covid, dominait encore la pratique médicale au Royaume-Uni.
Vous pouvez retracer les origines de ce modèle dans un article publié en 1970. Sans évaluer un seul patient ni interroger un seul médecin, il a imputé une épidémie antérieure d’EM/SFC post-virale à une « hystérie de masse » en se basant uniquement sur les notes de cas. Le raisonnement incluait le fait que l’épidémie touchait plus de femmes que d’hommes. Pendant des siècles, les médecins ont été plus disposés à classer les maladies des femmes comme hystériques ou psychosomatiques que celles des hommes. L’EM/SFC, comme le long Covid, frappe plus durement les femmes, donc, pense-t-on, tout doit être dans l’esprit.
Les demandes d’accès à l’information adressées aux Archives nationales montrent comment le modèle biopsychosocial s’est intégré dans la pratique de la recherche et la politique gouvernementale. Le procès-verbal d’une réunion sur la politique des prestations gouvernementales en 1993 donne une idée de la position du psychiatre Simon Wessely à l’époque. Comme le résume le procès-verbal, il a déclaré lors de la réunion que l’EM/SFC n’est « pas un trouble neurologique ». Il aurait affirmé que les cas apparemment graves résultaient probablement soit d’un « trouble psychiatrique mal diagnostiqué, soit d’une mauvaise gestion de la maladie », tandis que de nombreux cas étaient « iatrogènes » : causés par un examen ou un traitement médical. Ses opinions étaient apparemment que « la pire chose à faire est de leur dire de se reposer », « l’exercice est bon pour ces patients », « on peut s’attendre à ce que la plupart des cas s’améliorent avec le temps » et, ce qui est peut-être le plus choquant, « les bénéfices peuvent souvent se faire sentir ». pire encore pour les patients ».
Chacune de ces affirmations semble désormais sans fondement. Mais ils sont devenus la base de l’approche dominante dans ce pays pour tenter de traiter l’EM/SFC. Le bilan de la souffrance des patients est difficile à imaginer.
En 2007, ce système de croyance est devenu une orientation officielle : l’Institut national d’excellence en santé et en soins (Nice) préconisait deux traitements issus du modèle biopsychosocial de la maladie : la thérapie par l’exercice gradué (GET) et la thérapie cognitivo-comportementale (TCC). En 2011, une étude majeure, l’essai Pace, financé en partie par le ministère du Travail et des Pensions, prétendait montrer que le GET et la TCC étaient efficaces dans le traitement de l’EM/SFC. L’étude s’est ensuite révélée biaisée et profondément erronée.
Les croyants étaient soutenus par le Science Media Centre, dont (aujourd’hui professeur Sir) Simon Wessely était l’un des membres fondateurs. Certains reportages des médias, influencés par le centre, décrivaient les patients atteints d’EM/SFC comme violents, menaçants, timides et résistants au traitement.
Au fur et à mesure que la doctrine se répandait dans le corps médical, certains praticiens adoptèrent les mêmes attitudes. Un article promouvant les traitements psychologiques déplorait le « défi difficile de… gérer la résistance des patients au traitement », qui découlait du « manque d’acceptation de la justification ». Les infirmières ont observé que « le patient doit être reconnaissant et suivre vos conseils ». [but] le patient est assez résistant et il y a ce truc comme vous le savez : « Ces salauds ne veulent pas aller mieux ».
Nous savons désormais que les patients ont eu raison de résister à des interventions qui se sont révélées à la fois inutiles et néfastes. Les impacts étaient souvent horribles. Une étude réalisée en Suisse a révélé que le facteur le plus puissant contribuant aux pensées suicidaires chez les personnes atteintes d’EM/SFC était « de se faire dire que la maladie était uniquement psychosomatique ».
Certains patients ont été contraints à suivre ces régimes de traitement, voire enfermés dans des unités psychiatriques pour les obliger à s’y conformer. Certains parents d’enfants atteints d’EM/SFC étaient référé aux services sociaux pour avoir soi-disant encouragé leur croyance qu’ils étaient malades. Bien que sans fondement, le modèle biopsychosocial a influencé la politique de sécurité sociale du gouvernement, renforçant son traitement coercitif à l’égard des personnes demandant des prestations d’invalidité.
En 2020, une étude indépendante réalisée par Nice a révélé que la qualité de toutes les recherches promouvant le GET et la TCC était soit « faible », soit – pour la plupart – « très faible ». Un article rapportait que les seuils de l’étude Pace de 2011 auxquels les patients étaient considérés comme guéris avaient été modifiés après le début de l’essai. Plusieurs études ont conclu que le GET était activement nocif, car le régime d’exercice qu’il favorisait pouvait aggraver les symptômes des patients, provoquant un malaise post-effort. Un article rapportait que cela était préjudiciable à la santé d’au moins 50 % des patients.
En conséquence, Nice a conclu en 2021 que le GET et la TCC ne devraient pas être utilisés pour traiter l’EM/SFC (bien que la TCC plus conventionnelle puisse aider les patients à faire face aux impacts psychologiques de la maladie). Des changements similaires s’étaient déjà produits aux États-Unis et aux Pays-Bas. Cette pathologie est désormais correctement reconnue comme une maladie physiologique. Le mois dernier, un article paru dans la revue Nature Communications a proposé un mécanisme physiologique possible pour cette maladie.
Mais certains n’abandonnent jamais. Malgré un poids écrasant de preuves, les vieux croyants, dont Sharpe et Wessely, ont continué à tenter de justifier leur modèle, obligeant Nice à publier récemment une forte réfutation. Protégés par des amis puissants dans les médias, ils ont pu donner vie à leur hypothèse longtemps après qu’elle ait été démystifiée. La nouvelle réflexion fondée sur des données probantes n’a pas encore pénétré certaines parties du système de santé : certains patients sont encore maltraités.
Ce n’est pas ainsi que la science devrait fonctionner. Les croyances doivent être fondées sur des preuves. En médecine, il y a un double devoir : respecter l’évidence et écouter les patients. Il existe une intervention psychologique qui pourrait améliorer la vie des personnes atteintes d’EM/SFC : des excuses et une reconnaissance des préjudices qu’elles ont subis.
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George Monbiot est chroniqueur au Guardian
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