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Pour désamorcer la colère des agriculteurs, Paris a annoncé vendredi 26 janvier qu’elle renforcerait les contrôles et imposerait des sanctions aux fabricants et distributeurs qui ne respecteraient pas les lois nationales protégeant les revenus des agriculteurs.
Alors que les protestations s’intensifient à travers le pays, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau et le ministre de l’Économie Bruno Le Maire ont annoncé que les fabricants et les supermarchés devraient se conformer scrupuleusement à la législation sur les pratiques commerciales loyales dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire, connue sous le nom d’EGalim.
Cette décision fait suite à l’initiative du gouvernement allemand visant à surveiller de près le pouvoir de marché des supermarchés et de l’industrie alimentaire.
Trois lois EGalim ont été votées en France entre 2018 et 2023. Elles obligent notamment les opérateurs à prendre en compte l’augmentation des coûts de production pour les agriculteurs (matières premières, énergie…) lors des négociations commerciales.
La dernière loi EGalim, votée en mars 2023, va plus loin en imposant une limite aux promotions pour les distributeurs (34% maximum). Le coût des matières premières agricoles comme la viande et le lait n’est plus négociable.
« Aucun autre pays d’Europe n’offre la même protection juridique aux producteurs que la France », a déclaré le ministre de l’Economie Bruno Le Maire.
Lois non appliquées
Or, en juillet 2022, un rapport d’information du Sénat constatait que la loi EGalim était loin d’être appliquée, n’avait « que très partiellement atteint son objectif », et que les retours aux agriculteurs « semblaient inexistants ».
« Il y a des contournements, la loi n’est pas respectée, il y a un double langage », a déclaré Marc Fesneau, le ministre français de l’Agriculture.
L’un des problèmes évoqués par le ministre est que les distributeurs français passent par des centrales d’achat situées hors de France pour contourner la loi. En 2016, Leclerc a par exemple rejoint le groupe allemand Rewe au sein de la seule alliance d’achat européenne Eurelec Trading.
«Dès la semaine prochaine, j’adresserai à tous les fabricants et distributeurs en infraction avec la loi une injonction de se conformer à la loi. S’ils ne le font pas, ils seront pénalisés à hauteur de 2% de leur chiffre d’affaires. Je serai intransigeant dans mon respect strict et total de la loi », a prévenu Le Maire.
Outils de l’UE
En 2019, l’UE a adopté une directive sur les pratiques commerciales déloyales dans la chaîne alimentaire. Les pays de l’UE étaient tenus de transposer la directive dans leur droit national d’ici le 1er mai 2021. Mais les capitales de l’UE ont mis du temps à adopter les nouvelles règles, poussant la Commission à ouvrir une procédure d’infraction.
Un autre outil pour corriger les déséquilibres dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire est fourni par le règlement sur l’organisation commune des marchés (OCM), une législation de la politique agricole commune qui permet également aux producteurs européens, sous certaines conditions, de contrôler les prix et les volumes mis sur le marché.
Le gouvernement allemand envisage d’utiliser l’article 148 de l’OCM, en vertu duquel le gouvernement exige que tous les contrats dans le secteur laitier soient écrits et contiennent des réglementations sur le prix, le volume et la durée.
Appeler Bruxelles
Les protestations des agriculteurs se multiplient également en Belgique. L’Association wallonne des jeunes agriculteurs (FJA) a rencontré vendredi le ministre belge de l’Agriculture, David Clarinval. Ils ont amené trois tracteurs avec eux et ont menacé de mobiliser davantage.
« Les semaines vont être très longues », a prévenu le président du FJA, Florian Poncelet, qui a laissé entendre que 200 tracteurs pourraient entrer à Bruxelles la semaine prochaine. Les protestations pourraient s’étendre à la capitale européenne jeudi 1er février, le jour même où les dirigeants européens se réunissent pour un sommet spécial de l’UE pour discuter du budget du bloc.
Tensions Espagne-France
Les manifestations à l’échelle nationale se sont intensifiées cette semaine en France, avec des blocus s’étendant sur près de 400 kilomètres dans le sud de la France et jusqu’en Espagne vendredi matin. Jeudi, des agriculteurs français ont déversé et incendié des camions espagnols de fruits et légumes, déclenchant la réaction de l’eurodéputée espagnole Clara Aguilera.
« Les Français et les Espagnols font partie du même marché unique », a déclaré Aguilera, ajoutant qu' »il est inacceptable que des produits en provenance d’un État membre (…) soient appelés ‘produits d’autres pays' ».
Aguilera a accusé les autorités françaises de « ne pas prendre de mesures » pour empêcher les attentats. « Nous allons demander à la Commission européenne d’agir. »
[Edited by Zoran Radosavljevic]