Le système de quotas sectaires en Irak entrave-t-il le développement du pays ?

Réflexions sur le 20e anniversaire de la guerre en Irak

En ce vingtième anniversaire de la guerre en Irak, les réflexions sont nombreuses sur les décisions qui ont été prises après la guerre, considérées depuis comme des erreurs catastrophiques. Parmi ces décisions figurent la débaasification ou la purge des loyalistes du parti Baath des institutions de l’État, la dissolution de l’armée irakienne ayant créé un vide sécuritaire important, ainsi que l’application d’une nouvelle formule de partage du pouvoir selon des critères ethnosectaires appelée al-muhasasa al-ta’ifiya. Cette dernière est décriée comme étant emblématique d’un système politique brisé ayant conduit à une guerre civile sectaire et enraciné une corruption endémique et une gouvernance dysfonctionnelle.

Le Conseil de gouvernement irakien de Bremer

En 2003, lorsque l’Autorité provisoire de la coalition de Paul Bremer a formé le Conseil de gouvernement irakien, ses 25 membres ont été sélectionnés sur la base de leurs origines ethnosectaires, proportionnelles au poids démographique de chaque groupe confessionnel. Ainsi, les dirigeants chiites représentaient un peu plus de la moitié du conseil, tandis que les Kurdes et les Arabes sunnites disposaient de cinq sièges chacun, et deux sièges étaient réservés aux minorités assyrienne et turkmène d’Irak. Les architectes de cet arrangement voyaient là le moyen le plus sûr d’assurer une représentation inclusive et de contrôler le pouvoir d’une seule confession pour empêcher la réémergence d’un régime autoritaire.

La négociation d’élite

La composition de ce conseil d’administration a défini la négociation d’élite et le règlement politique post-2003 pour les deux décennies suivantes. Chaque gouvernement irakien depuis 2005 a cherché à préserver cet équilibre délicat entre les groupes confessionnels du pays.

Le muhasasa

Le muhasasa au niveau de l’élite est structurellement banal, car il s’agit essentiellement d’un système de quotas qui distribue le pouvoir en fonction du poids politique relatif des factions concurrentes. Les loyalistes du parti sont nommés à des postes gouvernementaux de haut niveau, tout comme les nominations politiques existent dans d’autres pays.

Le problème en Irak est que ceux qui occupent des postes d’influence sont souvent totalement non qualifiés, ou pire encore, y sont placés dans le but d’enrichir leurs patrons par des moyens illicites.

Les détracteurs de Muhasasa pensent que tant que cet arrangement informel ne sera pas démantelé, l’Irak continuera à présenter tous les symptômes chroniques d’une kleptocratie dysfonctionnelle où les gens sont récompensés sur la base de la fidélité politique plutôt que du mérite. Ils affirment également que le système renforce les divisions ethnosectaires car il définit les acteurs politiques à travers le prisme de l’identité confessionnelle.

Le nationalisme en Irak

Les mouvements politiques basés sur la confession sont construits sur plus que de simples impulsions tribales. L’Irak a été créé par les colonialistes britanniques sur la base de divisions semées entre sunnites, chiites et kurdes, et un siècle plus tard, les expériences vécues par ces groupes sont très différentes.

Par exemple, les partis kurdes d’Irak existent en raison du fait que les Kurdes ont une mémoire communautaire distincte – ils ont été historiquement marginalisés et persécutés sur la base de leur identité kurde, et ils aspirent à un État, une position que ne partage pas leur communauté arabe. Ils organisent donc leur politique autour de la centralité de leur identité ethnique. Pendant ce temps, les Arabes sunnites et chiites, en vertu de leurs expériences respectives distinctes de l’État, n’ont pas non plus des aspirations politiques identiques.

Le règlement politique actuel

Le règlement politique actuel, qui a commencé avec le changement de régime et s’est concrétisé par le biais du Conseil de gouvernement, n’est pas statique, mais plutôt en constante évolution. C’est le paradoxe du soi-disant règlement politique de l’Irak.

Bien que le mouvement de protestation de Tishreen de 2019 n’ait peut-être pas atteint ses objectifs les plus ambitieux, il a fondamentalement changé le règlement politique. Tishreen a transformé les protestations populaires de simples gestes symboliques en un instrument de pouvoir.

Conclusion

La question de savoir si le système de la muhasasa en Irak peut être exploité pour produire des changements plus tangibles dans la dynamique du pouvoir dépend en grande partie de la cohérence et de la vision du mouvement. Tout véritable changement de la formule actuelle de partage du pouvoir en Irak devra commencer au niveau local. Les diverses communautés au niveau local doivent reconnaître que leurs intérêts collectifs sont mieux servis en se concentrant sur leurs problèmes locaux.

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