Sepuis sa création, Spotify s’est attiré des critiques pour avoir contribué à transformer la musique d’un bien précieux en un utilitaire. Les critiques affirment que son abonnement mensuel à volonté n’encourage pas l’engagement à long terme, tandis que sa présentation uniforme et vierge du catalogue d’un artiste révèle peu du travail acharné ou du récit distinct derrière une sortie donnée : la plate-forme n’a pas t afficher les crédits d’écriture et de production jusqu’en 2018, 12 ans après le lancement.
La semaine dernière, Spotify a annoncé sa plus grande refonte d’interface jamais réalisée, conçue pour résoudre ces problèmes. Ces mises à jour, qui seront déployées aux utilisateurs au Royaume-Uni dans les semaines à venir, incluent la possibilité pour les artistes d’ajouter des vidéos de 30 secondes à leurs pages, de cibler les superfans avec des versions spéciales et de donner un placement plus visible au merchandising et aux billets de concert. Le plus grand changement se présente sous la forme d’une page d’accueil repensée avec un flux infini de vidéos courtes, qui ressemble étonnamment au flux de TikTok.
Les changements sont conçus pour créer « une découverte plus profonde et des liens plus significatifs entre les artistes et les fans », déclare Tom Connaughton, directeur général de Spotify UK et Irlande. « Auparavant, vous considériez probablement Spotify comme la meilleure destination d’écoute. Cette évolution consiste à donner vie à la plateforme et à Spotify de manière plus profonde.
Pour les artistes qui souhaitent créer une marque, créer un monde autour de leur musique et montrer qui ils sont en tant que personne est la clé d’un engagement à long terme avec les fans. Cela n’a guère été possible au sein de Spotify grâce à une expérience d’écoute décontractée qui donne la priorité aux listes de lecture, sans avoir besoin d’un engagement supplémentaire au-delà de la lecture. Le succès d’une chanson virale ne se traduit pas nécessairement par le reste du catalogue d’un acte.
Cela crée une situation où « les artistes peuvent être diffusés plusieurs millions de fois mais ne pourront pas vendre de billet dans leur ville natale », déclare le directeur musical et copropriétaire du label Peter McGaughrin, qui travaille avec des groupes tels que Everything Everything, Nilüfer Yanya et Alfie Templeman. L’annonce de Spotify présente la plate-forme comme la solution aux artistes qui se sentent dispersés, « tirés dans toutes les directions » sur plusieurs plates-formes pour essayer de créer un niveau d’engagement qui se traduit par une carrière.
Si Spotify réussit, McGaughrin dit que les mises à jour pourraient aider un artiste à bâtir une meilleure entreprise à long terme. D’autres sont moins optimistes. En réaction à la mise à jour de Spotify, artiste et producteur indépendant Thys a tweeté que la musique numérique « est une commodité, un service » et les artistes devraient plutôt se concentrer sur la génération de revenus sur d’autres choses, comme les spectacles, les ventes physiques et les ventes numériques sur des plateformes telles que Bandcamp (bien que de nouveaux chiffres de la RIAA aient souligné que les téléchargements ne représentent désormais que 3% des revenus de la musique enregistrée). « Le streaming est conçu pour être bon marché. Les tarifs de streaming sont une course vers le bas. Aller au-delà. »
Les changements surviennent à un moment intéressant pour Spotify, qui suscite toujours le débat sur son modèle de paiement. Plus tôt cette année, Lucian Grainge, PDG d’Universal Music, a déclaré: « les contributions critiques de trop d’artistes, ainsi que l’engagement de trop de fans, sont sous-évalués [on streaming platforms].” La semaine dernière, le directeur de Warner Music, Robert Kyncl, a déclaré que la musique était la forme de divertissement la plus basse en termes de monétisation par rapport à la télévision et au cinéma.
Dans certains cas, Spotify a en fait réduit le montant qu’il paie pour la musique. La fonction Discovery Mode, qui sera déployée auprès d’un plus grand nombre d’artistes et de labels parallèlement aux nouveaux changements, offre une promotion en échange d’un taux de redevance inférieur. Dans une série de tweets critiques récents, la Future of Music Coalition l’a qualifié de « régime de suppression des salaires ». En défense, Connaughton souligne l’annonce de la semaine dernière selon laquelle les paiements de Spotify à l’industrie de la musique s’élèvent à près de 40 milliards de dollars, ce qui, selon lui, représente près de 70 % de chaque dollar généré par la musique.
Bien qu’il ait été question que Spotify augmente ses prix d’abonnement, pour l’instant, la plate-forme semble se concentrer sur l’augmentation des flux plutôt que sur leur valeur. Connaughton souligne également les liens vers les ventes de billets et de marchandises dans l’application, qui seront désormais mis en évidence. « Beaucoup de mises à jour sont carrément axées sur la création de plus de possibilités pour les créateurs de monétiser leur travail et [for artists to] bâtir leur entreprise et leurs revenus grâce à cela.
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Selon Vickie Nauman, consultante en musique et en technologie, l’ambition de Spotify de rapprocher les artistes et les fans est intelligente. Comme elle le dit, la prochaine version d’Internet, Web3, où existent de nouveaux développements comme l’IA (qui alimente le mode DJ de Spotify), la crypto-monnaie et les mondes virtuels 3D, est une question de communauté.
« Dans le monde que nous avons maintenant, il y a des artistes et des fans et beaucoup de choses entre les deux, comme un algorithme ou une sorte d’expérience utilisateur, qui les empêche de se sentir connectés », dit-elle. « Avec Web3, nous entrons dans un monde très centré sur l’artiste. Les plateformes qui peuvent rapprocher le plus possible les fans de l’artiste sont celles qui vont gagner.
Il est clair que Spotify s’est tourné vers d’autres applications pour s’inspirer de son nouveau look. Le flux d’accueil vertical rappelle Instagram et l’ajout de courts clips vidéo apporte une touche de YouTube et de TikTok. La comparaison avec ce dernier est particulièrement intéressante – après avoir été annoncée comme une plate-forme clé de découverte musicale, le moment de TikTok au soleil semble s’estomper au milieu des discussions sur son interdiction aux États-Unis en raison de problèmes de sécurité. Des inquiétudes ont également été soulevées quant au montant qu’il verse pour l’utilisation de la musique.
Mais Connaughton dit que l’idée que Spotify se transforme en une sorte d’hybride TikTok est une foutaise. « Nous n’optimisons pas pour que les utilisateurs passent la plupart de leur temps dans un flux sans fin. Nous essayons de nous concentrer sur l’atteinte d’un objectif, qui est de les aider à trouver du contenu à écouter ou à regarder, dans le cas des podcasts vidéo. Toute conversation récente sur TikTok, ou toute autre plate-forme, n’a aucun rapport.
La mission de Spotify est d’aider un million d’artistes à vivre de leur art. C’est ambitieux étant donné que le nombre de ceux qui génèrent plus de 50 000 $ par an grâce à la plate-forme était de 17 800 en 2022 et que la croissance même dans cette tranche a considérablement ralenti au cours des dernières années. « En fin de compte, ce que nous essayons de faire, c’est de construire la meilleure maison pour les créateurs », déclare Connaughton. On ne sait toujours pas si les mises à jour des applications peuvent aider cette mission, ou si les concurrents de l’espace Web3 trouveront un moyen plus efficace de servir les musiciens dès le départ.