Des experts français mettent en garde contre le ralentissement de la productivité, suggèrent l’éducation et la réforme fiscale


La productivité française a considérablement ralenti au cours des 20 dernières années en raison d’une baisse significative du niveau d’éducation et d’un système d’incitations fiscales malavisé, ont constaté un groupe d’experts conseillant le Premier ministre.

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Dans un nouveau rapport publié jeudi 29 septembre, le Conseil d’analyse économique (CAE) a examiné l’impact de la baisse de la productivité en France sur l’économie au fil du temps.

De 2004 à 2019, le ralentissement sectoriel de la productivité représente un manque à gagner de 140 milliards d’euros de PIB pour la France.

Entre 2006 et 2019, la France a perdu 5,8 points de PIB par habitant par rapport à l’Allemagne, soit environ 65 milliards d’euros de recettes fiscales.

Pour résoudre le problème, les auteurs du rapport appellent à une réforme.

Outre un meilleur enseignement des mathématiques et des soft skills dans les écoles, ils proposent également de réformer le dispositif phare du crédit d’impôt recherche en France.

« Le ralentissement de la productivité est une question centrale de la politique économique française, et une question qui doit être abordée », a déclaré l’un des co-auteurs du rapport, Xavier Jaravel, professeur à la London School of Economics.

Une baisse des connaissances

Les élèves français ne réussissent pas bien en mathématiques, la France se classant au 20e rang sur 38 pays de l’OCDE, selon les chiffres du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA).

Même aux niveaux primaire et secondaire, la France est passée de la 7e à la 17e place du classement TIMSS, sur 21 pays.

Parmi les étudiants les plus performants, la France n’est pas très performante non plus. En 2019, les enfants français âgés de 13 à 14 ans ayant les meilleurs scores en mathématiques ne se classaient qu’au 29e rang par rapport aux enfants aussi performants dans les 38 autres pays de l’OCDE.

En matière de connaissances socio-comportementales, la France se classe très bas par rapport aux autres pays de l’OCDE, seuls l’Allemagne et le Japon s’en sortent moins bien. Les États-Unis, le Royaume-Uni et le Danemark sont loin devant.

La raison, au moins en partie, est le style d’enseignement particulièrement strict qui est principalement donné sous forme de conférence, a expliqué Maria Guadalupe, l’une des co-auteurs.

Guadalupe a déclaré qu’elle aimerait voir se développer « des pratiques pédagogiques plus axées sur le travail d’équipe et la personnalisation du partage des connaissances ».

Les experts conseillant le Premier ministre réclament donc une « stratégie nationale pour l’innovation par tous », dont l’objectif serait « d’augmenter les vocations aux métiers de la science et de l’innovation », alors que les disparités géographiques, sociales et de genre sont encore trop importantes.

Selon les experts, « augmenter les compétences en mathématiques de 10 [percentage] entraînerait une augmentation de la croissance annuelle par habitant de l’ordre de 0,2 point de PIB.

Après que l’Allemagne a traversé ses propres problèmes PISA au milieu des années 2000, elle a réussi à augmenter les connaissances en mathématiques du pays de 10 %.

Améliorer la distribution des fonds pour la recherche

Dans leur rapport, les chercheurs ont également constaté que les mécanismes fiscaux pour soutenir la recherche privée, bien que nécessaires, ne sont pas bien répartis.

Ils se sont concentrés sur le principal dispositif français de crédit d’impôt à l’innovation (CIR), un mécanisme fiscal dont toutes les entreprises peuvent bénéficier si elles investissent dans la recherche et le développement, quels que soient leur taille et leur secteur. Selon leurs calculs, le régime « profite de manière disproportionnée aux grandes entreprises », notamment dans le nombre global de brevets déposés.

Pour un même montant de crédit d’impôt, les petites et moyennes entreprises (PME) déposent 2,6 fois plus de brevets que les grandes entreprises.

Le ratio est encore pire avec les brevets dits « triadiques », qui protègent l’innovation en Europe, aux États-Unis et au Japon : les PME déposent quatre fois plus de brevets que leurs homologues plus grosses.

Ces conclusions ont été reprises dans une étude menée en 2021 par France Stratégie, un autre organisme de recherche rattaché au Premier ministre, qui a souligné que la déduction fiscale avait ses plus grands impacts sur les petites entreprises.

« La dépense fiscale du CIR représente les budgets totaux du CNRS, de l’INSERM et du CNES », explique l’un des auteurs du rapport, Nicolas Chanut, en référence aux instituts et groupements nationaux de recherche.

« La recherche privée est nécessaire mais une réorientation des dépenses vers les plus petites entreprises semble plus que pertinente », a-t-il ajouté.

En comparaison, d’autres pays européens ne semblent pas avoir de tels problèmes.

Au Royaume-Uni, par exemple, les entreprises peuvent bénéficier d’une « subvention différenciée selon la taille de l’entreprise », avec un taux plus élevé pour les PME.

Du côté allemand, le crédit pour la recherche privée aide les petites entreprises car il a une politique de remboursement de 25 % avec un plafond de 4 millions d’euros.

Se basant sur le fonctionnement des autres États, Chanut propose ainsi à la France d’abaisser le plafond de 100 M€ à 20 M€, avec une augmentation des taux de subvention de 30 % à 42 %.

« Les plus grandes entreprises seraient perdantes, mais ce sont les mêmes qui ont bénéficié ces dernières années de la baisse de l’impôt sur les sociétés, ou de la baisse des taxes à la production », a-t-il ajouté.

Avec une telle réforme, les PME pourraient sortir grandes gagnantes.

[Edited by Zoran Radosavljevic/Nathalie Weatherald]





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