L’industrie roumaine des camgirls craint d’être entachée par l’arrestation d’Andrew Tate


L’arrestation de l’influenceur controversé des médias sociaux Andrew Tate a mis en lumière l’étendue de l’industrie des camgirls en Roumanie.

Tate, 36 ans, son frère Tristan et deux Roumaines ont été arrêtés à leur domicile de Bucarest pour des soupçons d’implication dans un réseau de trafic sexuel. Tate est également accusé de viol. Un Roumain le juge a récemment prolongé leur séjour en prison jusqu’en juin afin que les autorités montent un dossier contre eux.

Une grande partie des allégations contre Tate visent son entreprise de camgirl basée en Roumanie. Tate a souvent parlé de ses méthodes pour contraindre les femmes à faire du nu en ligne contre paiement en entrant d’abord en relation avec elles.

Tate prétend avoir créé une entreprise de plusieurs millions d’euros grâce à son entreprise de camgirl. Pourtant, la question demeure de savoir si quelqu’un dans l’industrie roumaine des camgirls avait entendu parler de lui avant que sa capture ne fasse la une des journaux.

« Ils n’ont jamais participé à des événements de l’industrie », explique Maria Boroghina, une ancienne mannequin à succès devenue à la tête de Beststudios, l’une des plus grandes entreprises de Roumanie avec 160 mannequins.

« Ce n’est qu’après leur arrestation que nous avons appris qu’ils avaient un studio », raconte-t-elle à l’AFP dans les locaux de la société au centre-ville de Bucarest.

Selon Tate, son entreprise de camgirl comptait 75 femmes travaillant pour lui, lui rapportant environ 600 000 €. Même si ses affirmations douteuses sont crues, le échelle de l’industrie roumaine des camgirls est bien supérieur à l’influenceur.

D’une activité de niche dans les années 2000, l’industrie roumaine des camgirls s’est installée dans les ruines de l’industrie du porno, tuée par l’internet gratuit.

« Ça représente 40% du marché dans le monde », estime Anastasia, 33 ans, gérante d’un autre studio, Models4Models.

Dans un pays connu pour la vitesse de la connexion Internet, il y a plus de 500 studios et des milliers d’emplois, selon les professionnels du secteur. Cependant, aucune donnée officielle n’est disponible.

Chez Beststudios, on trouve des dizaines de chambres à la décoration intimiste et équipées de vidéo, avec de grands lits recouverts de draps et d’oreillers en soie.

Les camgirls échangent en privé avec des clients huit heures par jour, qui paient entre deux et dix euros la minute.

Le revenu des femmes peut atteindre 8 000 € nets par mois ou plus, alors que le salaire moyen n’est que de 800 € dans ce pays d’Europe de l’Est.

À travers l’écran, les modèles partagent des repas, s’endorment et servent de confidents. Les recrues sont formées pour « gagner de l’argent en gardant leurs vêtements le plus longtemps possible », poursuit Boroghina. « Le contenu sexuellement explicite ne représente que 5% de l’oeuvre ».

Alors que l’industrie roumaine des camgirls compte plusieurs milliers de femmes employées par des moyens légaux, l’arrestation de Tate a mis en évidence le potentiel d’exploitation.

Au-delà de la Roumanie, de plus en plus de victimes de la traite des êtres humains « sont recrutées dans le monde pour travailler derrière un écran », note Fabrizio Sarrica, expert auprès de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC).

« C’est très lucratif » pour les criminels « qui ont accès à un grand nombre de clients » et peuvent « rediffuser les images à l’infini ».

Pour les studios roumains qui ont contribué à ce reportage, l’affaire Tate est un incident isolé.

« Tout le monde est sous contrat, les filles ont des horaires à respecter et sont payées en royalties », explique Boroghina.

Petit à petit, les mentalités évoluent, constate Ruxandra Tataru, organisatrice du Sommet de Bucarest, une exposition annuelle dédiée aux camgirls qui rassemble plus de 3 000 participants.

La popularité du réseau social TikTok, où les camgirls peuvent développer leur clientèle, « a notamment contribué à améliorer l’image publique d’une activité trop souvent stigmatisée », observe-t-elle.

Si certains craignent les retombées négatives du récent scandale, Boroghina y voit l’opportunité de pousser les politiques à mieux réglementer les pratiques d’une industrie qui est une profession à part entière mais encore dépourvue de statut fiscal.

« Il n’y a pas de mauvaise publicité. C’est une opportunité d’éduquer ! elle sourit.



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