L’improbable insurrection de Jean-Luc Mélenchon


Paul Taylor est un rédacteur en chef de POLITICO.

PARIS – Bien qu’il n’ait pas atteint le second tour des trois élections présidentielles françaises, le tison de gauche Jean-Luc Mélenchon cherche maintenant à susciter un soulèvement populaire contre la crise du coût de la vie et la réforme des retraites, dans l’espoir d’évincer le président centriste Emmanuel Macron.

Ne retenez pas votre souffle.

Les Français sont peut-être historiquement et par tempérament rebelles, mais il semble peu probable que l’ancien trotskyste de 71 ans puisse organiser un mouvement de protestation de masse pour coincer Macron.

Le président français affirme qu’il a pour mandat de relever l’âge de la retraite de 62 à 64 ou 65 ans – comme promis lors de sa campagne de réélection – et il a proféré une menace voilée de dissoudre le parlement et de convoquer des élections législatives anticipées si les partis d’opposition s’unissent pour bloquer le projet de loi l’année prochaine. Les sondages d’opinion montrent qu’une majorité d’électeurs s’opposent à la réforme des retraites.

En cela, Mélenchon espionne une « opportunité démocratique » de forcer le président à partir – ou de le faire céder à un gouvernement de gauche. Pour déclencher cette révolte, le leader du parti anticapitaliste et altermondialiste La France insoumise (LFI) a appelé à une « marche contre la vie chère » plus tard dans la semaine, le 16 octobre.

« Ces réformes n’ont aucune justification au-delà de sa détermination à les imposer au peuple au nom de l’oligarchie dominante qu’il représente », a tonné Mélenchon dans le jargon révolutionnaire blasé typique dans son dernier article de blog. « Une lutte tous azimuts contre la caste dirigeante est notre seul horizon, compte tenu de l’assaut violent sur les allocations de chômage et le système de retraite. »

Mais il y a plusieurs raisons pour lesquelles Mélenchon a peu de chances de réussir.

Pour commencer, les principaux syndicats ont refusé de se joindre à sa croisade. Même la Confédération générale du travail, dirigée par les communistes, a clairement indiqué qu’elle organiserait ses propres grèves et manifestations pour exiger que les hausses de salaires suivent le rythme des prix, et qu’elle ne se laisserait pas entraîner dans une campagne politique.

L’inflation s’est élevée à 5,6% en France le mois dernier, bien en dessous de la moyenne de l’Union européenne, principalement en raison des subventions gouvernementales à l’essence et du plafonnement des prix de l’énergie. Ces mesures ont jusqu’à présent protégé les électeurs du pire de la crise énergétique et refroidi l’ardeur des manifestants potentiels – bien que, de manière significative, les ménages n’aient pas encore allumé leur chauffage. Ainsi, une journée de grève et des manifestations appelées par les syndicats le 29 septembre n’ont suscité qu’un écho limité.

Par ailleurs, de nombreux électeurs populaires que Mélenchon prétend représenter ont depuis longtemps fait allégeance au Rassemblement national (RN) anti-immigration de Marine Le Pen. LFI, qui soutient l’immigration et le multiculturalisme, s’adresse davantage à un électorat urbain et a moins d’attrait dans les banlieues en hauteur, les villes rouillées ou les zones rurales où la colère populaire est la plus forte.

La dirigeante d’extrême droite Marine Le Pen | Photo piscine par Marin Ludovic via Getty Images

Mélenchon n’a pas pu capitaliser sur les manifestations spontanées des Gilets jaunes qui ont éclaté contre une hausse de la taxe carbone en 2018, secouant la France pendant plusieurs mois. Beaucoup de ces manifestants étaient des partisans apolitiques ou du RN plutôt que des gauchistes, et bien qu’une autre explosion de type Yellow Jackets cet hiver ne puisse être exclue, il est loin d’être clair si la gauche radicale serait en mesure de l’exploiter cette fois-ci.

Après avoir commis la bévue de céder son propre siège au parlement alors que l’Assemblée nationale est devenue le centre névralgique de la vie politique, Mélenchon peine à faire tenir ensemble la Nouvelle Union populaire écologiste et sociale (NUPES), une alliance de partis de gauche. il a forgé pour contester les élections de juin.

Les socialistes, les verts et les communistes ont rejeté sa tentative de les forcer à former un seul caucus parlementaire sous la direction de LFI. Et tandis que l’alliance s’est unie pour exiger une taxe sur les « super-profits » des entreprises énergétiques, elle a publiquement divergé sur des questions allant de la guerre en Ukraine et du conflit israélo-palestinien aux appels à l’interdiction des corridas, des jets privés et des barbecues.

« La NUPES va échouer car il y a des désaccords fondamentaux entre ses partis constitutifs sur la politique étrangère, l’Otan et les Etats-Unis, mais aussi sur le féminisme et les questions de société », estime le politologue chevronné Gérard Grunberg. « La gauche ne peut gagner le pouvoir en France que si les modérés sont en tête. »

Il faudrait un vote conjoint de tous les députés de la NUPES, plus l’extrême droite RN et le centre droit Les Républicains pour renverser le gouvernement sur la réforme des retraites. Cela semble très peu probable puisqu’aucun d’eux ne souhaite être vu voter ensemble, et Les Républicains ont déjà prôné le relèvement de l’âge de la retraite.

Beaucoup à gauche se méfient également du tempérament colérique de Mélenchon, de son anti-américanisme viscéral et du culte de la personnalité qui l’entoure. Un gouffre profond subsiste entre la « gauche protestataire » incarnée par LFI et la soi-disant « gauche gouvernementale » des socialistes, verts et communistes qui dirigent villes et collectivités locales et ont alterné au pouvoir avec le centre droit. Et les modérés – longtemps la cible du mépris de Mélenchon – se hérissent des tactiques tapageuses de théâtre de rue de LFI au parlement.

Le fougueux orateur se considère comme l’héritier du héros socialiste Jean Jaurès ou du Cubain Fidel Castro. Lorsqu’il a comparé la manifestation prévue cette semaine avec la marche historique de 1789 sur Versailles pendant la Révolution française, ses partenaires de la NUPES lui ont dit de couper le battage médiatique. Mais le gourou actuel de Mélenchon est la théoricienne politique belge Chantal Mouffe, qui soutient que la gauche radicale doit embrasser le populisme afin de capturer et d’amplifier la colère du public contre ce qu’elle appelle le consensus néolibéral et technocratique.

L’ancien candidat à l’élection présidentielle française Jean-Luc Mélenchon | Martin Bureau/AFP via Getty Images

Mouffe était conseiller du parti de gauche espagnol Podemos, qui est né du mouvement de protestation anticapitaliste des Indignados mais a perdu une grande partie de son profil et de son soutien électoral, après être entré dans un gouvernement de coalition sous le parti socialiste de centre-gauche. Au Royaume-Uni, lorsque la gauche radicale a pris le contrôle du Parti travailliste sous Jeremy Corbyn, elle s’est aliénée de nombreux électeurs, en particulier dans les quartiers populaires.

Alors que Mélenchon aspire à un soulèvement populaire, certains législateurs LFI de la jeune génération, comme le réalisateur François Ruffin et la députée de banlieue parisienne Clémentine Autain, veulent davantage se concentrer sur la conquête des quartiers et des campagnes, et permettre un débat interne plus pluraliste.

Ou comme la journaliste Nora Hamadi, une observatrice avisée des débats de la gauche française, a plaisanté : « Si le Leader Maximum continue à rêver d’un Grand Soir révolutionnaire, il ne verra peut-être même pas une petite aube ».





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